Land Of The Dead : Le Territoire des morts

Land Of The Dead : Le Territoire des morts (2005)

  • Titre original: Land of the Dead
  • 1 h 33 min | Horreur | 24 juin 2005
    Note
    8/10
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    Dans un avenir pas si lointain, une poignée de survivants barricadés dans une ville bunker vit encore dans le souvenir de l'ancien monde... Des zombies, qui désormais pensent et communiquent, s'organisent pour prendre d'assaut la ville bunker. Kaufman, autoproclamé chef des vivants, engage un commando de mercenaires pour contrer les attaques de ces morts-vivants d'un genre nouveau...

    Dans un avenir pas si lointain, une poignée de survivants barricadés dans une ville bunker vit encore dans le souvenir de l’ancien monde… Des zombies, qui désormais pensent et communiquent, s’organisent pour prendre d’assaut la ville bunker. Kaufman, autoproclamé chef des vivants, engage un commando de mercenaires pour contrer les attaques de ces morts-vivants d’un genre nouveau…

    Sorti en 2005, Land Of The Dead signe le retour fracassant au cinéma de ce bon vieux George qui, il faut bien l’avouer, connut sa petite traversée du désert artistique entre 1992 et 2005 avec seulement un film en presque quinze ans (Bruiser)… Il revient donc sur sa légendaire saga des morts-vivants qu’il avait laissée en suspens exactement vingt ans auparavant avec Day Of The Dead (1985) pour en produire la suite directe qui cette fois clora définitivement le quadriptyque Of The Dead entamé en 1968 avec le chef-d’œuvre incontesté Night Of The Living Dead. On pouvait légitimement craindre le pire concernant ce soudain retour aux sources, mais Romero n’a pas son pareil pour nous surprendre : ainsi livre t-il avec Land Of The Dead une œuvre extrêmement sombre d’une puissance de frappe ahurissante, sorte de croisement hybride entre l’univers post-apocalyptique de Mad Max de George Miller ou de New York 1997 de John Carpenter et la lignée de mangas fin-du-mondistes des années 90 tels que Ken Le Survivant de Tetsuo Hara et Buronson ou encore l’excellent Gunnm de Yukito Kishiro.

    Land Of The Dead revendique sa filiation avec les trois précédents volets de la saga dès son générique d’introduction dont les premières images ont la particularité de nous en mettre plein la vue. Par l’intermédiaire d’un montage très esthétisé d’extraits d’émissions radio ou télévisées, le début du film nous situe d’emblée dans un contexte fin-du-mondiste désespéré : il s’est apparemment déroulé un certain temps depuis que les morts se sont mis à marcher et à attaquer les vivants dans Night Of The Living Dead, et la situation est loin de s’être arrangée depuis… Il se dégage de ce générique véritablement impressionnant une aura d’une noirceur à faire froid dans le dos ; le caractère morbide des propos tenus couplé à une musique angoissante et à des images bien glauques (des visages de zombies grimaçants) annonçant d’entrée de jeu que le film ne compte pas faire dans la dentelle ; et c’est tant mieux. Mais attardons-nous davantage sur cette vision dantesque d’un univers ravagé par une espèce sur le point de s’éteindre, en proie à la folie et au chaos…

    Land Of The Dead se présente en réalité comme une uchronie dystopique mettant en scène une population de plus en plus réduite qui s’efforce de survivre dans une sorte de ghetto où meurtres et pillages vont bon train. En plus de devoir quotidiennement affronter une horde de zombies affamés de chair vivante et chaque jour un peu plus nombreux, les survivants doivent avant tout lutter contre eux-mêmes, contre leur penchant naturel à sombrer dans la décadence en l’absence de tout cadre sécurisé. C’est donc en quelque sorte la lie de l’humanité que nous présente Romero dans Le Territoire des Morts, à l’instar des films de Miller et Carpenter précédemment évoqués : une espèce corrompue par le vice, perdue entre les jeux, l’alcool, la drogue et le sexe facile qui tente de s’organiser au mieux pour ralentir le processus d’extinction qui la menace depuis un temps indéterminé. Une humanité en pleine régression aussi, comme le suggère le concept de « l’arène aux zombies » dans laquelle est jetée la so sexy Slack (Asia Argento, fille du réalisateur et vieil ami de Romero, Dario Argento) qui n’est pas sans rappeler les arènes aux lions ou aux gladiateurs de l’Époque Ancienne. Et lorsque la caméra s’attarde quelque peu sur les visages au comble du bonheur de vieilles dames en manteaux de fourrure qui applaudissent et trépignent d’impatience à l’idée de voir la jeune femme se faire dévorer vivante, on se heurte de plein fouet au message alarmiste que cherche à véhiculer Romero. C’est en grande partie grâce à ce genre d’images-chocs mais tout en subtilité que le cinéaste a forgé sa réputation d’artiste « engagé » au discours virulent (même si l’intéressé s’en défend).

    Dans ce monde en complète perdition, un rêve subsiste cependant : l’espoir de pouvoir un jour s’installer au cœur du luxueux gratte-ciel Fiddler’s Green, espace utopique réservé aux riches et aux puissants et dirigé d’une main de fer par Kaufman (le regretté Dennis Hopper, dont la prestance unique bouffe littéralement tout l’écran). Pour illustrer le clivage existant entre ces deux couches de population que tout oppose, les images associées à la « décharge » où évoluent Riley (The Mentalist Simon Baker) et Cholo (Phénomènes John Leguizamo) demeurent toutes ternes et sombres, dans les tons froids de bleu et de gris ; tandis que celles associées à Fiddler’s Green sont au contraires lumineuses et chatoyantes. Par ailleurs, on peut aisément ressentir l’empreinte post-11 septembre 2001 qui imprègne l’œuvre toute entière, déjà par la figure de la menace terroriste que représente Cholo, mais aussi et surtout par l’intermédiaire du comportement de Kaufman (« On ne négocie pas avec les terroristes ! »), avatar hyperbolique (ou pas) d’un George W. Bush qui à cette époque venait tout juste d’être élu pour un second mandat. Cholo incarne quant à lui la cristallisation de la profonde désillusion des américains concernant “The American Dream” ; sa tristesse et sa déception lorsqu’il réalise que malgré tous ses efforts il ne pourra jamais jouer dans la cour des grands sont telles, qu’il ne s’en remettra pas et décidera d’employer les grands moyens pour parvenir à ses fins. En dépit de son pessimisme ambiant, Land Of The Dead lance néanmoins des messages d’espoir en représentant une humanité qui cherche malgré tout à s’élever grâce aux rêves qu’elle nourrit et aux ressources qu’elle est capable d’employer pour les concrétiser.

    land-of-the-dead_image1

    Mais abordons à présent un sujet un plus fun, les zombies ! Pour ma part, et même si cela reste plus que ponctuel, je regrette un peu l’emploi des CGI pour le maquillage des morts-vivants et les scènes gore (vous l’aurez compris depuis le temps, je ne suis pas fan des effets spéciaux numériques), mais je dois néanmoins reconnaitre que le talent de Greg Nicotero, éminent disciple du maître du trucage Tom Savini, a encore réalisé des merveilles…  Même si à mes yeux le travail de Savini sur Day Of The Dead reste LA référence en matière de films de zombie, celui de Nicotero sur Land Of The Dead reste absolument remarquable sur tous les points. Par ailleurs, le film va plutôt loin dans le gore (c’est d’ailleurs étrange qu’il n’ait écopé que d’une interdiction aux moins de 12 ans en France…) et réussit même à s’approprier les tendances actuelles de la mode pour innover dans ses mises à mort toujours plus originales et dégueulasses (miam, le piercing au nombril…). Romero se régale donc à nous en mettre plein la gueule sans complexe à grands coups de décapitations à mains nues, de démembrements, d’éviscérations et d’égorgements excessivement sanglants qui confèrent à son film cette dimension ultra-agressive pour les yeux qu’on lui connait si bien. Le sang gicle de tous les côtés, des cadavres jonchent le sol par milliers, les doigts et les dents des zombies arrachent, explorent et déchiquètent des kilos de lambeaux de chair et des kilomètres de viscères humaines sans interruption. A ce stade du film, les vivants ne sont plus qu’un tas de bidoche sanguinolente à la merci des morts-vivants, une sorte de gigantesque fast-food humain « service à volonté 24/7 ». Le design des zombies est quant à lui plus particulièrement bien réussi, certains d’entre eux comme « Big Daddy » (Eugene Clark, vraiment très impressionnant), proclamé leader des morts-vivants car exceptionnellement intelligent, sont vraiment du plus bel effet… Comme dans Day Of The Dead, l’oncle George semble s’être bien amusé à mettre en situation des zombies condamnés à répéter jusqu’à la nuit des temps des gestes qui ont conditionné leur existence passée (les zombies-musiciens ; le zombie-boucher, le zombie-clown – peut-être en clin d’œil à Day Of The Dead, justement ?) et certaines scènes ne sont pas dénuées d’un certain sens de l’humour (noir). En définitive, les maquillages constituent une très belle réussite mais, encore une fois, l’utilisation bien que parcimonieuse de CGI vite dépassés aurait largement pu être évitée à mon sens.

    Ce qui est également fort intéressant dans Land Of Dead, c’est le concept d’une potentielle évolution comportementale des zombies déjà soulevé dans Day Of The Dead, ici poursuivi et poussé à son paroxysme avec un sens du détail très rigoureux. Non seulement les zombies ont appris à se méfier des « fleurs célestes » (feux d’artifice destinés à détourner leur attention), mais ils deviennent également capables de communiquer entre eux et d’accomplir certaines actions de base (comme se servir d’un fusil mitrailleur), ou encore des tâches qui avaient leur importance dans la vie qu’ils menaient avant leur contamination. Les zombies constituent donc non plus un ensemble dispersé mais une communauté soudée, unie par l’instinct d’appartenance au groupe et le désir de se placer sur un pied d’égalité par rapport aux vivants. Car c’est bel et bien de cela dont il s’agit en réalité : plus encore que dans les précédents volets de la saga, Romero estompe les frontières qui séparent les morts des vivants, jusqu’à les confondre carrément (« Ils sont nous. Nous sommes eux. » ; «Ils cherchent un endroit où aller… Tout comme nous. »). Le parallèle entre ces deux espèces à la fois si différentes et si proches est permanent, de sorte que l’on ne puisse véritablement pencher pour l’un ou l’autre des deux camps. Le sentiment d’empathie envers les zombies est ainsi quasi-inévitable, notamment lors de moments spécifiques durant lesquels Romero dénonce la cruauté intrinsèquement humaine des vivants à l’égard des morts (les zombies utilisés comme des cibles mouvantes par des tireurs chevronnés, idée que l’on trouvait déjà dans Night Of The Living Dead et que le cinéaste réutilisera ensuite dans Diary et Survival Of The Dead). Dénué de tout manichéisme simpliste et handicapant, Land Of The Dead déploie ainsi tout son potentiel de réflexion en privilégiant une certaine ambiguïté morale au piège des facilités scénaristiques.

    Pour finir, il me semble amusant de préciser que l’oncle George a eu la bonne idée d’offrir une petite apparition au réalisateur Edgar Wright et à l’acteur-scénariste Simon Pegg pour les “remercier” de leur hommage rendu avec le film Shaun Of The Dead. Nous les retrouvons donc dans les rôles de deux zombies enchaînés, aux côtés de qui les habitants ont la possibilité de se faire prendre en photo en simulant la terreur… Idem pour le cascadeur-maquilleur Tom Savini, qui apparait sous les traits d’un zombie à grosses moustaches et en perfecto de cuir noir faisant un carnage à la machette, en référence à son rôle de biker fou dans Dawn Of The Dead. Bien que relativement brèves et pas nécessairement évidentes (surtout pour les créateurs de Shaun Of The Dead), ces scènes restent néanmoins fort agréables pour les fans de films de zombies qui y verront là une intertextualité tout ce qu’il y a de plus rafraîchissant.

    Land Of The Dead peut donc à juste titre être considéré comme une réussite totale qui, si elle ne parvient pas pour autant à s’élever au niveau d’excellence des trois chefs-d’œuvre constitutifs de la saga Of The Dead (d’où la note de 4/5), parvient sans problème à pleinement atteindre ses objectifs tout en clôturant la quadrilogie en beauté. Un film incontournable à voir ou à revoir sans modération pour mesurer toute l’envergure du gigantesque talent de conteur de George A. Romero. Fan d’horreur post-apocalyptique, ce film est fait pour vous !

    Par Emmanuelle Ignacchiti

    Dans un avenir pas si lointain, une poignée de survivants barricadés dans une ville bunker vit encore dans le souvenir de l’ancien monde… Des zombies, qui désormais pensent et communiquent, s’organisent pour prendre d’assaut la ville bunker. Kaufman, autoproclamé chef des vivants, engage un commando de mercenaires pour contrer les attaques de ces morts-vivants d’un genre nouveau…

    Sorti en 2005, Land Of The Dead signe le retour fracassant au cinéma de ce bon vieux George qui, il faut bien l’avouer, connut sa petite traversée du désert artistique entre 1992 et 2005 avec seulement un film en presque quinze ans (Bruiser)… Il revient donc sur sa légendaire saga des morts-vivants qu’il avait laissée en suspens exactement vingt ans auparavant avec Day Of The Dead (1985) pour en produire la suite directe qui cette fois clora définitivement le quadriptyque Of The Dead entamé en 1968 avec le chef-d’œuvre incontesté Night Of The Living Dead. On pouvait légitimement craindre le pire concernant ce soudain retour aux sources, mais Romero n’a pas son pareil pour nous surprendre : ainsi livre t-il avec Land Of The Dead une œuvre extrêmement sombre d’une puissance de frappe ahurissante, sorte de croisement hybride entre l’univers post-apocalyptique de Mad Max de George Miller ou de New York 1997 de John Carpenter et la lignée de mangas fin-du-mondistes des années 90 tels que Ken Le Survivant de Tetsuo Hara et Buronson ou encore l’excellent Gunnm de Yukito Kishiro.

    Land Of The Dead revendique sa filiation avec les trois précédents volets de la saga dès son générique d’introduction dont les premières images ont la particularité de nous en mettre plein la vue. Par l’intermédiaire d’un montage très esthétisé d’extraits d’émissions radio ou télévisées, le début du film nous situe d’emblée dans un contexte fin-du-mondiste désespéré : il s’est apparemment déroulé un certain temps depuis que les morts se sont mis à marcher et à attaquer les vivants dans Night Of The Living Dead, et la situation est loin de s’être arrangée depuis… Il se dégage de ce générique véritablement impressionnant une aura d’une noirceur à faire froid dans le dos ; le caractère morbide des propos tenus couplé à une musique angoissante et à des images bien glauques (des visages de zombies grimaçants) annonçant d’entrée de jeu que le film ne compte pas faire dans la dentelle ; et c’est tant mieux. Mais attardons-nous davantage sur cette vision dantesque d’un univers ravagé par une espèce sur le point de s’éteindre, en proie à la folie et au chaos…

    Land Of The Dead se présente en réalité comme une uchronie dystopique mettant en scène une population de plus en plus réduite qui s’efforce de survivre dans une sorte de ghetto où meurtres et pillages vont bon train. En plus de devoir quotidiennement affronter une horde de zombies affamés de chair vivante et chaque jour un peu plus nombreux, les survivants doivent avant tout lutter contre eux-mêmes, contre leur penchant naturel à sombrer dans la décadence en l’absence de tout cadre sécurisé. C’est donc en quelque sorte la lie de l’humanité que nous présente Romero dans Le Territoire des Morts, à l’instar des films de Miller et Carpenter précédemment évoqués : une espèce corrompue par le vice, perdue entre les jeux, l’alcool, la drogue et le sexe facile qui tente de s’organiser au mieux pour ralentir le processus d’extinction qui la menace depuis un temps indéterminé. Une humanité en pleine régression aussi, comme le suggère le concept de « l’arène aux zombies » dans laquelle est jetée la so sexy Slack (Asia Argento, fille du réalisateur et vieil ami de Romero Dario Argento) qui n’est pas sans rappeler les arènes aux lions ou aux gladiateurs de l’Époque Ancienne. Et lorsque la caméra s’attarde quelque peu sur les visages au comble du bonheur de vieilles dames en manteaux de fourrure qui applaudissent et trépignent d’impatience à l’idée de voir la jeune femme se faire dévorer vivante, on se heurte de plein fouet au message alarmiste que cherche à véhiculer Romero. C’est en grande partie grâce à ce genre d’images-chocs mais tout en subtilité que le cinéaste a forgé sa réputation d’artiste « engagé » au discours virulent (même si l’intéressé s’en défend).

    Dans ce monde en complète perdition, un rêve subsiste cependant : l’espoir de pouvoir un jour s’installer au cœur du luxueux gratte-ciel Fiddler’s Green, espace utopique réservé aux riches et aux puissants et dirigé d’une main de fer par Kaufman (le regretté Dennis Hopper, dont la prestance unique bouffe littéralement tout l’écran). Pour illustrer le clivage existant entre ces deux couches de population que tout oppose, les images associées à la « décharge » où évoluent Riley (The Mentalist Simon Baker) et Cholo (Phénomènes John Leguizamo) demeurent toutes ternes et sombres, dans les tons froids de bleu et de gris ; tandis que celles associées à Fiddler’s Green sont au contraires lumineuses et chatoyantes. Par ailleurs, on peut aisément ressentir l’empreinte post-11 septembre 2001 qui imprègne l’œuvre toute entière, déjà par la figure de la menace terroriste que représente Cholo, mais aussi et surtout par l’intermédiaire du comportement de Kaufman (« On ne négocie pas avec les terroristes ! »), avatar hyperbolique (ou pas) d’un George W. Bush qui à cette époque venait tout juste d’être élu pour un second mandat. Cholo incarne quant à lui la cristallisation de la profonde désillusion des américains concernant The American Dream ; sa tristesse et sa déception lorsqu’il réalise que malgré tous ses efforts il ne pourra jamais jouer dans la cour des grands sont telles, qu’il ne s’en remettra pas et décidera d’employer les grands moyens pour parvenir à ses fins. En dépit de son pessimisme ambiant, Land Of The Dead lance néanmoins des messages d’espoir en représentant une humanité qui cherche malgré tout à s’élever grâce aux rêves qu’elle nourrit et aux ressources qu’elle est capable d’employer pour les concrétiser.

    Mais abordons à présent un sujet un plus fun, les zombies ! Pour ma part, et même si cela reste plus que ponctuel, je regrette un peu l’emploi des CGI pour le maquillage des morts-vivants et les scènes gore (vous l’aurez compris depuis le temps, je ne suis pas fan des effets spéciaux numériques), mais je dois néanmoins reconnaitre que le talent de Greg Nicotero, éminent disciple du maître du trucage Tom Savini, a encore réalisé des merveilles…Même si à mes yeux le travail de Savini sur Day Of The Dead reste LA référence en matière de films de zombie, celui de Nicotero sur Land Of The Dead reste absolument remarquable sur tous les points. Par ailleurs, le film va plutôt loin dans le gore (c’est d’ailleurs étrange qu’il n’ait écopé que d’une interdiction aux moins de 12 ans en France…) et réussit même à s’approprier les tendances actuelles de la mode pour innover dans ses mises à mort toujours plus originales et dégueulasses (miam, le piercing au nombril…). Romero se régale donc à nous en mettre plein la gueule sans complexe à grands coups de décapitations à mains nues, de démembrements, d’éviscérations et d’égorgements excessivement sanglants qui confèrent à son film cette dimension ultra-agressive pour les yeux qu’on lui connait si bien. Le sang gicle de tous les côtés, des cadavres jonchent le sol par milliers, les doigts et les dents des zombies arrachent, explorent et déchiquètent des kilos de lambeaux de chair et des kilomètres de viscères humaines sans interruption. A ce stade du film, les vivants ne sont plus qu’un tas de bidoche sanguinolente à la merci des morts-vivants, une sorte de gigantesque fast-food humain « service à volonté 24/7 ». Le design des zombies est quant à lui plus particulièrement bien réussi, certains d’entre eux comme « Big Daddy » (Eugene Clark, vraiment très impressionnant), proclamé leader des morts-vivants car exceptionnellement intelligent, sont vraiment du plus bel effet… Comme dans Day Of The Dead, l’oncle George semble s’être bien amusé à mettre en situation des zombies condamnés à répéter jusqu’à la nuit des temps des gestes qui ont conditionné leur existence passée (les zombies-musiciens ; le zombie-boucher, le zombie-clown – peut-être en clin d’œil à Day Of The Dead, justement ?) et certaines scènes ne sont pas dénuées d’un certain sens de l’humour (noir). En définitive, les maquillages constituent une très belle réussite mais, encore une fois, l’utilisation bien que parcimonieuse de CGI vite dépassés aurait largement pu être évitée à mon sens.

    Ce qui est également fort intéressant dans Land Of Dead, c’est le concept d’une potentielle évolution comportementale des zombies déjà soulevé dans Day Of The Dead, ici poursuivi et poussé à son paroxysme avec un sens du détail très rigoureux. Non seulement les zombies ont appris à se méfier des « fleurs célestes » (feux d’artifice destinés à détourner leur attention), mais ils deviennent également capables de communiquer entre eux et d’accomplir certaines actions de base (comme se servir d’un fusil mitrailleur), ou encore des tâches qui avaient leur importance dans la vie qu’ils menaient avant leur contamination. Les zombies constituent donc non plus un ensemble dispersé mais une communauté soudée, unie par l’instinct d’appartenance au groupe et le désir de se placer sur un pied d’égalité par rapport aux vivants. Car c’est bel et bien de cela dont il s’agit en réalité : plus encore que dans les précédents volets de la saga, Romero estompe les frontières qui séparent les morts des vivants, jusqu’à les confondre carrément (« Ils sont nous. Nous sommes eux. » ; «Ils cherchent un endroit où aller… Tout comme nous. »). Le parallèle entre ces deux espèces à la fois si différentes et si proches est permanent, de sorte que l’on ne puisse véritablement pencher pour l’un ou l’autre des deux camps. Le sentiment d’empathie envers les zombies est ainsi quasi-inévitable, notamment lors de moments spécifiques durant lesquels Romero dénonce la cruauté intrinsèquement humaine des vivants à l’égard des morts (les zombies utilisés comme des cibles mouvantes par des tireurs chevronnés, idée que l’on trouvait déjà dans Night Of The Living Dead et que le cinéaste réutilisera ensuite dans Diary et Survival Of The Dead). Dénué de tout manichéisme simpliste et handicapant, Land Of The Dead déploie ainsi tout son potentiel de réflexion en privilégiant une certaine ambiguïté morale au piège des facilités scénaristiques.

    Pour finir, il me semble amusant de préciser que l’oncle George a eu la bonne idée d’offrir une petite apparition au réalisateur Edgar Wright et à l’acteur-scénariste Simon Pegg pour les remercier de leur hommage rendu avec le film Shaun Of The Dead. Nous les retrouvons donc dans les rôles de deux zombies enchaînés, aux côtés de qui les habitants ont la possibilité de se faire prendre en photo en simulant la terreur… Idem pour le cascadeur-maquilleur Tom Savini, qui apparait sous les traits d’un zombie à grosses moustaches et en perfecto de cuir noir faisant un carnage à la machette, en référence à son rôle de biker fou dans Dawn Of The Dead. Bien que relativement brèves et pas nécessairement évidentes (surtout pour les créateurs de Shaun Of The Dead), ces scènes restent néanmoins fort agréables pour les fans de films de zombies qui y verront là une intertextualité tout ce qu’il y a de plus rafraîchissant.

    Land Of The Dead peut donc à juste titre être considéré comme une réussite totale qui, si elle ne parvient pas pour autant à s’élever au niveau d’excellence des trois chefs-d’œuvre constitutifs de la saga Of The Dead (d’où la note de 4/5), parvient sans problème à pleinement atteindre ses objectifs tout en clôturant la quadrilogie en beauté. Un film incontournable à voir ou à revoir sans modération pour mesurer toute l’envergure du gigantesque talent de conteur de George A. Romero. Fan d’horreur post-apocalyptique, ce film est fait pour vous !

    Par Emmanuelle Ignacchiti

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