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[Critique] L’Elan – Etienne Labroue (2015)

L'Elan

Une créature étrangement attifée d’une tête d’élan en peluche sur un corps vêtu d’un manteau marron, débarque dans une petite ville isolée en bordure de forêt. Adoptée par une famille, confrontée aux habitants curieux ou inquiets, chacun s’interroge sur l’identité de cet être absurde et somnambulique. La tension monte sourdement.

Attention Mesdames et Messieurs, événement ! L’Elan, « basé sur des faits réels » comme indiqué au générique, est présenté en Première Mondiale, oui oui, dans la catégorie Nouveaux Talents, à l’Etrange Festival. Après vérification, il s’agit bien d’un film bizarre, produit d’ailleurs en marge des circuits classiques… un phénomène fantastique-absurde-poétique-chronique de campagne… Ce film atypique est particulièrement réussi puisqu’il frise justement en permanence le ratage, mais le miracle s’est produit : nous avons là une œuvre suspendue, comme en état de grâce.

Etienne Labroue (connu pour ses frasques d’auteur à Canal + et réalisateur entre autres de clips des Wampas) ose pour son premier long-métrage de fiction un héros en peluche. Muet, ce personnage « extra-humain » réussit le tour de force de sembler penser et ressentir et nous émouvoir par là-même. Ce personnage inexpressif est , il faut l’admettre, vraiment adorable par sa présence vulnérable et poétique et ses petits grognements.

Les autres acteurs, remarquables (Arsène Mosca en tête), se répondent parfaitement, truculents avec leurs « gueules » et leurs dégaines incroyables. Tous les personnages sont sublimes de décalage, entre leurs obsessions, leurs bizarreries et presque surtout leurs mesquineries. Et que dire de la guest-star indispensable Bernard Montiel ? Dans son (propre) rôle d’animateur dépassé, il fait preuve de beaucoup d’autodérision.

Si l’Elan est porté par les acteurs, sa liberté de ton s’illustre également dans le rythme particulier et la grande minutie voulus par ses auteurs, dans le comique de situation et les dialogues savoureux, dits par des acteurs très justes mais toujours sur le fil. Ce travail d’orfèvre, qui menace à tout moment de se briser, est heureusement intelligemment servi par un visuel lumineux, frais et inventif. Quelques scènes d’anthologie ornent ce bijou absurde.

Dès les premières secondes, l’on épouse joyeusement le point de vue décalé du film, tout nous paraît alors magique. Et on croit même à l’explication finale abracadabrantesque totalement invraisemblable et incompréhensible… Bon. On a au moins compris qu’il y avait une explication.

Critique par Marie T.

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