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[Gérardmer 2011] Entretien avec Talal Selhami, réalisateur de Mirages

Dans quel genre classerais-tu Mirages ?

C’est un film d’aventure fantastique, un thriller, un film un peu à la croisée des genres. Une quête personnelle pour les cinq personnages. C’est un film qui se veut populaire avant tout. Le but était de faire un divertissement avec un fond, un propos. C’est un peu cette forme idéale que je recherche moi-même en tant que spectateur cinéphile. C’est ce qui fait la force d’un certain cinéma américain de qualité : on te raconte une histoire avant tout dans laquelle les intentions sont fondues dans une narration. Le spectateur digère donc ton propos de façon inconsciente. C’est une des raisons pour lesquelles j’aime le cinéma fantastique, car tu peux traiter de sujets actuels et graves de façons complètement indirectes. C’est par exemple la force du cinéma de Paul Verhoeven ou celui de David Cronenberg.
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Mirages est-il un projet personnel ou une commande ?
À la base c’est une commande qui devenue progressivement un projet personnel. Avant toutes choses, on avait un cahier des charges bien précis : il fallait un scénario qui pouvait correspondre à une enveloppe de film à petit budget et pour un tournage d’une vingtaine de jours. Comme beaucoup de premiers films, le huis clos était la meilleure option, mais pour le coup, on trouvait intéressant de garder ce concept de huis clos et de l’adapter à un univers complètement ouvert.
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Comment t’es-tu rapproché du Maroc ?
J’ai vécu quelques années là-bas ce qui m’a permis de bosser en temps que stagiaire et assistant réalisateur sur des pubs et des séries y-compris déjà à l’époque dans la société de production Ali n’ même. Beaucoup plus tard, Nabil Ayouch, réalisateur et producteur de films célèbres comme « Ali Zaoua » et « Whatever Lola Wants » m’a contacté pour me parler de son projet de Film Industry qu’il produisait avec la S.N.R.T. Il s’agissait d’une collection de films populaires principalement et dans le lot des productions de genre. J’ai trouvé l’idée et l’ambition formidable ! Et pour moi, c’était une opportunité que je ne pouvais pas louper. Soit j’attendais encore 2 à 6 ans pour que mes projets se montent en France, soit je saisissais cette occasion de pouvoir réaliser mon premier long-métrage tout de suite au Maroc.
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Comment as-tu choisi ton casting ?

À l’image des cinq candidats du film, il me fallait un casting hétéroclite, de vraies gueules. J’ai d’abord rencontré Aïssam Bouali que j’avais vu dans « La Vague Blanch »e d’Ali El Mejboud. Son jeu m’avait impressionné et notre rencontre s’est très bien passée. Il m’a prouvé qu’il était déterminé pour avoir le rôle de Saïd. Lui-même m’a présenté à Karim Saïdi un comédien franco-marocain. J’avais vu Karim dans « Munich » de Spielberg où il jouait l’un des terroristes. Il me fallait quelqu’un de charismatique et physique pour incarner Hicham. En plus d’être un comédien incroyablement professionnel, Karim est une crème, un mec qui a soif de nouvelles expériences. J’avais vu Omar Lotfi dans le film « Casanegra », un gros carton national. Pour moi c’était tout de suite Samir. Mustapha El Houari est un comédien très polyvalent qui vient des planches, il s’est très vite imposé dans le rôle de Jamal.
Et enfin pour le rôle d’Assia, l’unique femme du groupe j’ai casté la comédienne Meryam Raoui. Lors de notre première rencontre, elle m’a tout de suite tapé dans l’oeil. Son naturel, sa présence, son professionnalisme ont fait d’elle une évidence pour ce rôle. Le projet étant particulièrement physique, ces cinq comédiens m’ont tout donné sur le tournage. C’est aussi en regardant cette nouvelle génération d’interprètes que je suis confiant sur l’avenir du cinéma marocain, il est entre de bonnes mains.
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En quoi Mirages se veut-il différent des autres productions de genre marocaines ?
Je ne sais pas si on peut déjà parler d’une industrie du genre au Maroc. En tout cas je sais que l’envie est réellement présente. Beaucoup de réalisateurs qui ont grandi avec l’expansion du cinéma américain des années 70 et 80 ont été bercés par le cinéma de genre. La majorité des films asiatiques qui franchissent nos frontières sont des films de genre. C’est donc naturel que la nouvelle génération de réalisateurs qui arrivent ait, comme moi, l’envie de rendre justice à un type de films qui nous ont fait découvrir le septième art. Je suis certain que nous sommes nombreux à avoir grandi avec une VHS d’Indiana Jones ou de Retour Vers le Future passée en boucle.
Je n’aime pas particulièrement la distinction que l’on fait entre un cinéma dit de « genre » et un cinéma qui serait plus d’auteur. Un film est un film et dans l’idéal, encore une fois, tout film doit avoir des intentions. Je suis très optimiste, car je sais qu’il y a des gens qui travaillent dans ce sens, qu’il y a une nouvelle génération de réalisateurs, scénaristes et producteurs qui arrivent et qui ont des histoires à raconter. Il faut garder le cap de l’ambition !
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Que retiens-tu de cette expérience ?
J’ai énormément appris avec ce film. « Mirages » était un tournage très compliqué tant pour les conditions physiques que pour les contraintes budgétaires et de temps. La post-production n’était pas facile non plus. J’ai eu la chance de tomber sur des producteurs ambitieux et sur une équipe formidable qui a tout de suite accepté les règles du jeu. Je leur en serais éternellement reconnaissant. Aujourd’hui, j’ai un peu l’impression d’être vacciné contre les situations extrêmes… l’avenir me le dira.
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Veux-tu retourner au Maroc ?
Bien sûr le Maroc est mon pays ! J’espère y retourner avec « L’Oasis » qui, si tout se passe bien, se tournera l’année prochaine. J’ai vraiment hâte d’y être. Et si une autre occasion se présente entre-temps ou plus tard pourquoi pas. Il y a beaucoup de belles choses à faire au Maroc, c’est un terrain idéal pour des projets originaux et audacieux. La culture marocaine est très riche et je suis convaincu qu’elle peut se prêter à des sujets de films de genre complètement nouveaux. Les Asiatiques ont réussi à imposer leur culture à travers leurs croyances, les Espagnols à traiter du trauma de leur Histoire. J’invite les réalisateurs, les producteurs et les scénaristes à venir tenter l’expérience marocaine, car le Maroc pourrait devenir un Eldorado cinématographique. Et je ne parle même pas de la richesse des paysages ! Peter Jackson, le réalisateur du « Seigneur des Anneaux » n’aurait eu surement aucun mal ici à reconstituer la Terre du Milieu !
Propos recueillis par R-One Chaffiot (novembre 2010)
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