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[Interview] Eli Roth, réalisateur de Green Inferno #1

De passage au Festival de Deauville pendant quelques jours avec sa compagne Lorenza Izzo, Eli Roth présentait « Knock Knock » et « Green Inferno » aux festivaliers. L’occasion de rencontrer l’acteur/réalisateur lors d’une table ronde où on a pu parler films d’horreur, Knock Knock, cannibalisme, censure, réseaux sociaux mais aussi… pizza !

Un dimanche matin du festival, Eli Roth arrive donc à la Villa Kiehl’s de Deauville pour discuter avec nous. La veille, à 23h, Green Inferno avait été présenté au public. Avant même de commencer la table ronde, Eli Roth vient alors nous demander, content, si nous avions des informations sur la personne qui se serait évanouie la veille durant la projection. L’occasion pour Eli de nous rappeler qu’à la première projection de Hostel, 2 personnes s’étaient évanouies dans la salle. Une durant la première scène de torture, l’autre en courant pour aller aux toilettes et qui était tombée dans les escaliers… S’il s’inquiète pour ces personnes et fait son possible pour passer les voir à l’hôpital ensuite, Eli Roth est aussi visiblement heureux de voir que le public réagit viscéralement à ses films.

Mais il est temps de commencer cette table ronde fleuve avec un Eli Roth bavard et un peu énervé sur certains sujets !

Pour réaliser Green Inferno, dont certains plans sont inspirés de Cannibal Holocaust, quels films avez-vous revu ?

Eli Roth : J’adore les vieux films cannibales des années 70 qui se passent dans la jungle. Mais, parce que ces films contiennent de nombreux massacres, notamment d’animaux, les gens ont honte de dire qu’ils aiment regarder ce genre de films. Je les trouve brillants, ils sont le signe passé d’un cinéma qui prenait des risques. Et il fallait clairement être fou pour les faire ! N’oublions pas que dans les années 50, pour faire les westerns à succès qu’on connaît, des dizaines de chevaux étaient blessés voire tués sur les tournages. Attention, je ne défends absolument pas ça, mais j’apprécie seulement un cinéma qui faisait plus vrai à l’époque, dans ses décors et actions, et qui prenait de vrais risques. En revoyant Cannibal Holocaust, je me suis dit qu’on ne voyait plus cela aujourd’hui à l’écran malheureusement, qu’il n’y a plus de « films de jungle ».

Je me suis aussi demandé « Pourquoi est-il important de refaire un film de cannibale aujourd’hui ? ». Mais j’ai trouvé l’inspiration ailleurs: auprès de ces pseudos activistes d’aujourd’hui, qui pensent que si vous ne tweetez pas sur tel ou tel sujet comme Rihanna ou Justin Bieber, alors vous vous foutez de tout et que quelque chose ne va pas chez vous. Alors qu’on sait bien que tout le monde aura oublié 2 jours après et sera passé à un autre « combat ». Ces gens ne s’impliquent pas vraiment, ils veulent seulement montrer qu’ils s’impliquent et être reconnus pour ça. Ce fut mon point de départ pour Green Inferno.

Les jeunes que je montre sont contents à un seul moment du film : pas quand ils apprennent qu’ils partent découvrir des tribus en Amazonie, mais quand ils prennent des selfies dans l’avion en partant pour les poster sur les réseaux sociaux et dire « Regardez, on le fait ! ». J’en ai marre de ce genre de personnes qui tentent de se prouver quelque chose alors que ce ne sont que des hypocrites…

Pour préparer le film, j’ai aussi beaucoup regardé de documentaires sur des tribus méconnues, et regardé les National Geographic des années 70. J’en ai créé une tribu imaginaire mais je voulais garder ce côté clash des cultures entre la jeune génération du monde occidental et mon sujet de film. En quelque sorte, Cabin Fever, Hostel et Green Inferno, c’est ma trilogie des tribus ! Dans Hostel ils ont un faible pour le sexe, dans Green Inferno, un faible pour le faux activisme !

Ces gamins qui se croient intelligents sont désemparés face à ceux qui n’ont rien. Vous savez, on a tourné dans un village où les gens n’avaient jamais vu une caméra. Où il a fallu leur expliquer ce qu’était un film. C’était une expérience incroyable…

Pour revenir à Green Inferno, est-ce que le gore a une limite pour vous? Est-ce que vous vous en imposez en tout cas ?

Eli Roth : Le gore, c’est comme une pizza. Une bonne pizza, ce n’est pas un ingrédient seul. Ça doit avoir l’équilibre parfait entre le fromage, la pâte, la sauce tomate, etc. Trop de fromage, et vous êtes écœuré. Il faut savoir doser. S’il y a trop de tout, c’est ennuyeux, trop de gore et vous n’avez plus peur du tout. Vous vous blasez. Mais si votre gore est bien dosé et surprenant, ça fait son effet. Un jour, j’ai vu « Caché » de Michael Haneke. Il y avait un mec qui parlait pendant des heures dedans. Puis d’un coup : splash, il a la gorge tranchée. Merde, c’était horrible ! Désormais, ce que je recherche dans mes films c’est ça : le moment Haneke…

Avec Knock Knock, j’ai voulu faire un film sans une seule goutte de sang. Dans Green Inferno c’est  l’inverse. C’est mon équilibre !

Au final : c’est sûrement plus violent dans Knock Knock d’ailleurs, car plus malsain. Ce film, c’est la théorie de la pizza gratuite : si un livreur se pointe chez vous à 1h du mat, que personne n’est là pour voir ou juger, et qu’on vous offre une pizza, vous allez forcément la manger… Ces filles cherchent le mec qui dira non à cette pizza gratuite et délicieuse alors qu’il n’en a pas mangé depuis longtemps.

Comment choisissez-vous vos acteurs ?

Eli Roth : Pour Lorenza (Izzo) c’était facile, elle m’a impressionné. L’anglais n’est que sa 2ème langue pourtant, elle est encore meilleure en espagnol ! Et la voir passer de l’innocence dans Green Inferno à la manipulation dans Knock Knock c’était fou. J’ai réellement écrit le rôle de Genesis dans Knock Knock pour elle. J’aime découvrir et révéler de nouveaux acteurs. Ou les redécouvrir: personne n’utilise jamais Keanu Reeves en papa, dans un rôle avec de l’humour. Alors que je savais qu’il serait génial dans ce rôle. Il devrait avoir un Oscar pour ça ! (rires)

Pour en revenir à Lorenza, elle a vraiment tout donné sur le tournage de Green Inferno. Elle a failli mourir dans la rivière, elle est tombée malade, il y avait tous ces insectes, la chaleur… Elle ne s’est jamais plaint une seule fois, elle a toujours joué à fond. C’est une aventurière, on se challenge mutuellement, j’adore ça.

 

À propos du tournage de Green Inferno, comment c’était de tourner dans la jungle ?

Eli Roth : Très difficile. J’avais une super équipe de makeup artists, qui travaillent en partie sur The Walking Dead. Il y en avait sur le tournage avec nous mais croyez-moi, sous plus de 40°, rien ne tient ! De plus, la plupart de nos prothèses et maquillage ont été confisqués à la douane en arrivant. Quand vous allez tourner dans des endroits où ils ne savent pas ce qu’est un film, difficile de faire passer à la frontière des fausses jambes découpées. Ils ont tout pris, même les fausses dents. On était au milieu du Pérou, sans plus rien. Du coup on a beaucoup improvisé sur le tournage. On a pris des grains de raisin pour faire des yeux par exemple.. Bravo à l’équipe, ils ont assuré !

On n’avait même pas de vraies toilettes vous savez. Alors que tout le monde a attrapé la fièvre jaune, sauf moi. On a fait venir un bateau de toilettes dans un village où ils n’avaient jamais vu une glacière… Du coup, les gamins se sont mis à jouer avec ces blocs de toilettes. Et il y avait des chevaux sauvages dans cette jungle qui n’aiment pas trop ces toilettes non plus, ils se mettaient à taper dessus avec leurs sabots pour les détruire. Du coup, il fallait au moins être deux pour aller faire pipi, car il fallait toujours protéger les toilettes de l’extérieur !

Du coup après ce tournage en pleine jungle, je voulais un truc tranquille avec de l’air conditionné pour Knock Knock. Je voulais un film d’intérieur, à la Paul Verhooeen. Un jeu de chaises musicales avec de la tension sexuelle à la Polanski aussi. Je voulais voir Keanu avoir chaud aux fesses, pas en train de sauver le monde ! C’est drôle de le voir comme ça, il m’a dit que Knock Knock lui avait fait penser à un Funny Games tordu…

Notre critique du film

 Crédit photos

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