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La Ferme de la terreur

Affiche du film "La Ferme de la terreur"

© 1981 PolyGram Filmed Entertainment − Tous droits réservés.

Au sein d’une communauté religieuse rigoriste, les Hittites, un jeune couple décide de vivre dans la modernité, envers et contre tous les préceptes inculqués par leurs aînés… Suite à la mort du mari, pointée du doigt par la communauté, la jeune femme est en proie à des phénomènes effrayants et inexpliqués…

Film méconnu de Wes Craven (mais célèbre pour être l’une des premières apparitions de Sharon Stone), La Ferme de la terreur est sorti en 1982 entre La colline a des yeux, L’été de la peur et La créature du marais. S’il n’est pas le plus célèbre de ses long-métrages, il n’en est pas moins l’un des plus réussis, terrifiant par certains moments et intéressant dans le sens où il renferme quelques éléments annonciateurs de ses œuvres suivantes.

En plein Whodunit

Le film débute avec une mise en place claire des forces en présence : la communauté hitttite, menée par un patriarche sévère et obnubilé par les principes régissant sa communauté (imposant Ernest Borgnine), en face, deux personnages féminins rapidement présentés comme des envoyés du démon, et entre deux, Martha et John Schmidt, couple vivant au sein de la communauté, mais réfractaire à certaines de ses lois trop rigides. La mort de John, les soupçons pesant sur certains membres des Hittites et l’arrivée de deux citadines amies de Martha va lancer les premiers enjeux : Qui a tué ? Pour quel motif ? Qui seront les suivants sur la liste ?

Comme on le voit, on nage en plein Whodunit, à l’image d’un Scream quelques années plus tard. Autre point d’ancrage dans l’œuvre de Craven, le motif de la communauté gangrénée de l’intérieur par un tueur, ou le mal personnifié (Scream donc, Freddy, Shocker, ou même Red Eye). Le cadre de la communauté religieuse est du pain béni pour le cinéaste qui trouve ici terreau idéal pour faire voler les valeurs de la famille extrémiste…

Mon Giallo chez les ploucs

Dans sa première partie, assez classique, le film prend son temps à poser les enjeux. Et si certains personnages peuvent apparaître un peu schématiques, les deux citadines nunuches, le fils d’un éleveur hittite quelque peu demeuré incarné par le fidèle Michael Berryman, le tout est assez bien emballé et agréable dans l’optique de suivre un petit thriller campagnard…

Le film décolle réellement dans sa deuxième partie. Quand les connexions entre les personnages deviennent plus fortes alors que les barrières des différences explosent, que les cadavres se multiplient, tout comme les suspects potentiels… Car il s’agit bien là d’un (ou des) tueur. Craven s’applique à distiller une ambiance de sorcellerie, de surnaturel, par petites touches, ayant recours aux rêves, annonciateurs d’événements tragiques, le tout renforcé par la musique de James Horner, qui convoque à son orchestration des choeurs faisant froid dans le dos.

Pourtant, les méthodes employées par l’assassin restent très terre à terre : un serpent dans une baignoire (avec à ce titre une reprise presque à l’identique du dispositif lors de la fameuse séquence de la baignoire dans les Griffes de la nuit), une voiture que l’on enflamme, ou un tracteur jeté sur un malheureux… On a bien à faire à un assassin fait de chair et d’os. Pour le personnifier, le cinéaste n’hésite pas à avoir recours à des codes inattendus dans un tel contexte : ceux du giallo. Meurtres à l’arme blanche, mains gantés, assassin vêtu en noir, visage caché et meurtres en caméra subjective… Tout y est ! Y compris la motivation et la nature même du meurtrier qui renvoie aux plus beaux traumas des œuvres de Dario Argento.

Un étonnant parti pris de Craven qui trouve toute sa cohérence lors d’un final giallesque en puissance, haletant et sauvage.

Si l’on excepte une toute dernière séquence assez grotesque et qui fait basculer de manière particulièrement bancale dans le fantastique pur, La Ferme de la terreur renferme suffisamment de qualités pour en faire un petit classique de Wes Craven. A placer en tout cas dans ses tous meilleurs films, sur lequel le temps n’a pas eu trop de prise, et bien loin de navets bien plus compromettants pour le cinéaste…

par Nicolas Mouchel

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