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La Maison des 1000 morts

Affiche du film "La Maison des 1000 morts"

© 2003 Lionsgate − Tous droits réservés.

Il y a des tronches qui ne s’oublient pas (L’Homme qui Rit, 1928), des esthétiques hallucinantes (Le Cabinet du Docteur Caligari, 1920), des arrangements parfaits sur des plans parfaits (Shining, 1980). Il y a les films vus 300 fois (La Famille Addams, 1991), les films doudou (The Craft, 1996), les films bijou (May, 2002). Il y a les films badass (American Mary, 2012), les films from America (Mosquito, 1994), les films qu’on-est-vraiment-content-que-quelqu’un-les-ait-faits (What we do
in the Shadows, 2014). Et puis il y a Le Film, celui qui réunit tout ça. Premier chapitre d’une trilogie (complétée en 2019 avec la sortie du dernier opus Three From
Hell, 14 ans après The Devil’s Rejects), House of 1000 Corpses donne naissance à la désormais incontournable famille Firefly.

© 2003 Lionsgate − Tous droits réservés.

Sorti en 2003 dans un contexte cinématographique qui s’essouffle (un peu comme un étudiant poursuivi sur le campus par un méchant dans les 90’s), La Maison des 1000 Morts vient revi-gorer les papilles frustrées des fans de genre et nous sert sur un plateau une bonne grosse dose de plaisir coupable dont on se délecte de bout en bout. On en prend plein les yeux et on se lèche les babines, immergés dans un dédale de tableaux aux teintes saturées, naviguant entre esthétique de train fantôme, cabaret de freaks ou rituel mystique nocturne. Quelque part dans le sud Etats-Unis, veille d’Halloween 1977. Deux couples sillonnent ensemble les routes texanes à la recherche d’attractions atypiques. Ils débarquent au ”Musée des Monstres et des Fous” du Captain Spaulding (Sid Haig), où ce dernier – passé maître dans l’art du poulet frit et du meurtre décomplexé – les met au parfum de la légende locale, le Dr Satan. Remontés à bloc, nos quatre jeunots décident alors de creuser l’affaire en partant à la recherche de ce sympathique médecin qui ne semble que peu intéressé par le concept d’anesthésie.

© 2003 Lionsgate − Tous droits réservés.

En chemin, les voilà qui se prennent les pieds dans le tapis de la famille Firefly, dont les membres exquisément barjots vont rapidement étancher leur soif de sensations fortes. ”The Boogeyman is real, and you found him”. A l’image de son générique d’entrée, mixture poisseuse à base d’archives chirurgicales et de pin-up un brin nécrophile sur fond de rock crado (composé par Rob Zombie) et de cris (composés par de la douleur apparemment), House of 1000 Corpses réveille les sens des protagonistes tout comme ceux des spectateurs, en nous embarquant toujours plus loin dans la démence de cette ”chair” et tendre maison.

© 2003 Lionsgate − Tous droits réservés.

Ce film est une ballade à faire et refaire sans modération, tant les détails sont nombreux, les références riches et les angles de lecture comme autant de portes – piégées ou non – à ouvrir. La Maison des 1000 Morts est ouvertement un hommage aux films de genre des années 70, à la fois dans le fond (Massacre à la Tronçonneuse 1974, ses dîners en famille, ses ballades au grand air) et dans la forme (des scènes tournées en 16 mm aidant à nous transporter à cette époque où on pouvait encore fumer dans les bars). En plus de parfaire notre connaissance des tueurs en série avec des allusions directes (Ed Gein, Albert Fish) ou moins frontales (John Wayne Gacy, la famille Manson), on se plaît à dégoter de jolis clins d’oeil littéraires (Lewis Carroll, avec une version détraquée d’Alice aux Pays des Merveilles dans la dernière partie du film, ou encore Aleister Crowley, poète et occultiste britannique connu comme ”l’homme le plus malsain du monde”, avec un extrait audio bien placé de son poème Bury me in a nameless grave).

© 2003 Lionsgate − Tous droits réservés.

Des plans magistraux (le suspens aérien d’une mise à mort, timing risqué dosé à la perfection) côtoient des scènes riches d’une photographie intense et d’une scénographie poussée. On goûte à toutes les textures et on passe par toutes les couleurs dans les virages de ce voyage labyrinthique débridé. Merci aux victimes du film d’être tombées dans ce traquenard, nous permettant de découvrir à leurs côtés l’intimité délicieusement déviante de Baby (Sheri Moon Zombie), Otis (Bill Moseley), Rufus (Robert Allen Mukes), Tiny (Matthew McGrory ), et Mother Firelfy (Karen Black). A coup de punchlines bien senties et de personnalités aussi perverses qu’attachantes, nous voilà emmêlés dans les filets du charmant cocon familial, et on en redemande ! Film à surprises, rythmiquement parfait, tout y est généreux, jusqu’à la liberté même de basculer, pour le grand final, dans le fantastique. Alors comme dirait notre cher Captain Spaulding : ”It just tastes so damn good !” Il est de ces films qui créent des personnages si forts qu’ils finissent par faire partie de nos vies. Qu’ils soient des modèles (Gomez et Morticia), des copines (May, Mary, Nancy), des repères de taux de caféine dans le sang (Jack Torrance), ou simplement comme les Firefly, des voisins que l’on aime bien, de loin.

Par Cécile Métral

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