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L’Armée des morts

Affiche du film "L'Armée des morts"

© 2004 Toho-Towa − Tous droits réservés.

Ana se réveille un beau matin et se retrouve en plein cauchemar : les morts sont mystérieusement sortis de leur sommeil éternel et attaquent les vivants. Après avoir miraculeusement échappé au carnage qui sévissait dans son quartier, Ana rencontre d’autres rescapés : André et sa femme Luda qui est enceinte, Kenneth, un officier de police, et Michael, vendeur de télés de son état. Ils décident de s’unir et de rejoindre le centre commercial le plus proche pour s’y réfugier quelques temps. Ils vont alors devoir faire face à une horde de zombies assoiffés de sang et de plus en plus nombreux tout en s’efforçant de cohabiter…

En 2003, le célèbre publicitaire américain Zack Snyder (300 ; Watchmen ; Le Royaume de Ga’Hoole) s’essaye au cinéma pour la toute première fois et livre un remake des plus réussis du chef-d’œuvre Dawn Of The Dead (Zombie) réalisé en 1978 par George A. Romero. Avec ce film, Snyder contribue à relancer la popularité jusqu’à présent en berne du créateur du zombie mangeur de chair, qui d’ailleurs en profitera pour sortir un an plus tard le quatrième volet de sa saga des morts-vivants, Land Of The Dead. Tout en conservant la trame principale de l’œuvre originale dont il s’inspire, ce remake réussit à se réapproprier le script original de Dawn Of The Dead de manière très personnelle, pour produire un film qui au final n’a plus grand-chose à voir avec son prédécesseur. En plus du fait d’avoir totalement rejeté le folklore zombiesque établi plus de trente ans auparavant par Night Of The Living Dead, l’on peut également observer que la dimension pamphlétaire qui faisait toute la puissance de frappe de l’œuvre de Romero est ici complètement éclipsée, Snyder préférant l’action pure et dure à la critique sociopolitique. Je précise que cet article traite de la version director’s cut, plus longue mais aussi légèrement plus gore que la version cinéma, et dont le principal atout consiste à avoir fourni davantage de détails sur les personnages et leurs vécus respectifs.

Tout commence avec une séquence d’introduction hallucinante qui frappe très fort, l’accent étant mis sur l’état de panique qui secoue un petit quartier américain soudainement mis à feu et à sang et qu’Ana (Sarah Polley, Mister Nobody ; Splice), qui a vu son mari mourir et ressusciter sous ses yeux, tente de fuir malgré les obstacles qui se dressent sur sa route. Fourmillant de détails d’une indéniable efficacité, cette séquence apocalyptique annonce que le film tout entier s’efforcera de véhiculer une terreur brute et instinctuelle qui, en prenant ses racines dans un quotidien admis comme étant sécurisé et contrôlé par notre inconscient collectif, explosera l’ensemble de nos défenses psychiques pour produire un choc audiovisuel dont même les plus blindés d’entre nous ne pourront réchapper. Suivant cette même idée directrice, le générique du début bénéficie d’un montage particulièrement nerveux qui accumule les scènes d’informations télévisées sur un fond de musique country qui agissent comme une sorte d’ellipse visant à faire comprendre au spectateur que la situation a déjà dégénéré et que, tout comme dans le Dawn Of The Dead original, les autorités américaines demeurent impuissantes pour enrayer ce phénomène de contamination collective qui prend de plus en plus d’ampleur. Le contraste généré par cette curieuse association d’images violentes à une musique cool et décontractée, ainsi que les plans semi-subliminaux de visages de zombies sanguinolents et toutes dents sorties, en plus de produire une atmosphère ironique et légèrement mélancolique, opère un processus de distanciation qui nous maintient confortablement dans notre position spectatorielle. En effet, nous sommes sur le point d’assister à l’élaboration d’une histoire, celle de cinq rescapés qui vont tenter le tout pour le tout pour survivre à cet Enfer…

Anoblis d’une superbe photographie qui privilégie les tons froids (bleu, vert, etc.) pour retranscrire l’ambiance désertique et impersonnelle du centre commercial infesté de zombies accros au shopping, les décors de Dawn Of The Dead s’avèreront être le théâtre de scènes glauques et malsaines somme toute assez dérangeantes et sublimées par un montage très esthétisant. Par exemple, la scène du monstrueux accouchement de Luda dans un magasin pour bébé rempli de peluches et de jouets assure un impact considérable sur nos convictions de ce que sont la famille et l’acte de donner la vie… Le film comporte ainsi de nombreuses scènes purement horrifiques (la vieille femme dégueulasse qui décède de ses blessures puis se relève, plus vorace que jamais ; le père contaminé et voué à attendre la mort ; le tragique épisode du voisin armurier Andy ; etc.) qui maintiennent la cohésion de l’ambiance oppressante et la sensation de menace imminente instaurées dès la séquence d’introduction. Mais Dawn Of The Dead sait aussi faire preuve d’humour pour nous permettre de relâcher un peu la pression, notamment en mettant en scène les personnages principaux qui s’amusent à tirer sur des zombies choisis parmi la foule agglutinée devant les portes du centre commercial en fonction de leur ressemblance toute relative avec des personnalités connues.

Les scènes d’action sont quant à elles très bien réalisées en dépit du fait que le film ait maintenant quelques années ; les effets spéciaux restent tout à fait corrects pour l’époque et sont loin de lésiner sur le gore, sans pour autant atteindre le niveau extrême de l’original… Giclées de cervelles, gorges arrachées, crânes transpercés, yeux perforés, le film ne nous épargne rien et fait fi de la suggestion au profit d’un véritable déballage de scènes trash toutes visuellement très bien rendues. Le maquillage des morts-vivants est lui aussi très convainquant et esthétiquement très réussi ; certains d’entre eux sont vraiment impressionnants (le manchot asiatique du début, ou encore le décharné qui fait face à André derrière l’une des vitres blindées du centre commercial, etc.). On regrettera néanmoins qu’ils soient capables de courir (et la rigor mortis alors ?!), caractéristique légèrement incohérente compte tenu de leur état de cadavres ambulants mais qui ne dessert cependant en rien le récit et l’action du film. Les hurlements de bêtes sauvages qu’émettent les zombies lorsqu’ils attaquent sont eux aussi quelque peu ridicules et illogiques (pourquoi diable les humains changeraient-ils de voix une fois morts ?!), mais bon, tout ceci fait partie des choix stylistiques du réalisateur, tout comme le processus de contamination quasi-instantanée par morsure, d’ailleurs (les morts-vivants de Romero ne le devenaient qu’une fois décédés de leurs blessures, ici ce phénomène s’opère dès lors qu’ils sont mordus). En revanche, les yeux blancs et la gestuelle saccadée des morts-vivants de Snyder constituent une très bonne initiative au mythe zombiesque, surtout lorsqu’il nous en est donné à voir des « ratés », dont le cerveau ne se serait pas complètement réactivé, et qui se contentent d’être secoués de spasmes incontrôlables (dans la VO, ils sont d’ailleurs appelés des « spasmo »).

Côté narration, le rythme reste très soutenu, en grosse partie grâce à la vigueur extrême du montage ; de ce fait, le film ne souffre d’aucune longueur et bénéficie d’une excellente mise en scène renforcée par une interprétation crédible de la part des acteurs. On notera également les caméos fort réjouissants de Tom Savini, qui n’est désormais plus à présenter, dans le rôle d’un flic à lunettes noires et grosses moustaches qui déclare le plus sérieusement du monde qu’« il faut leur tirer dans la tête… » ; et de Ken Foree en télévangéliste qui donne son opinion légèrement intégriste sur l’apparition des morts-vivants et qui en profite d’ailleurs pour ressortir sa phrase-culte du Dawn Of The Dead original : « Quand il n’y a plus de place en Enfer, les morts reviennent sur la Terre… ». Cette petite attention de Snyder pour faire plaisir aux fans a de fait pour conséquence de nous rendre un peu plus tolérants vis-à-vis de lui pour ses zombies coureurs de fond…

Dawn Of The Dead est donc un excellent film de zombie qui, en plus de remettre sur le devant de la scène le chef-d’œuvre de 1978, nous offre une relecture personnelle et divertissante du mythe légendaire instauré par Romero avec sa saga des morts-vivants. Grâce à l’originalité de son scénario et à l’efficacité de sa mise en scène produite dans les règles de l’art du cinéma horrifique, Dawn Of The Dead s’érige comme l’un des meilleurs films de zombie des années 2000.

Par Emmanuelle Ignacchiti

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