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Red State

Affiche du film "Red State"

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Auto-intronisé roi des geeks depuis une décennie, Kevin Smith a su s’imposer comme énième messager du bon goût en terme de cinéma de genre, prêchant la bonne parole sur tous les médias et internets. Une posture un peu grande gueule si l’on considère la filmographie du Silent Bob, soit un bon petit premier film, Clerks, sorti il y a près de vingt ans et profitant alors du buzz autour du cinéma « indie », puis une suite de petits films très moyens. Une carrière  d’un intérêt donc très relatif et qui s’était l’année dernière un peu plus fourvoyée avec le très mauvais Top Cops, buddy movie tout mou réalisé par un yes-man sous-doué.

C’est dire donc qu’on était dubitatif à l’annonce de ce Red State, présenté comme l’anti-Kevin Smith, son grand film sérieux voire glacial, plongeant dans les recoins scandaleux du rêve américain.

Au final, le film s’avère une bonne surprise même si on y retrouve quasiment toutes les limites de son réalisateur/scénariste. Seul change le registre, ici aux antipodes de la comédie potache et de la bluette légère. Pour rappel, Red State prend ainsi pour point de départ l’enlèvement de trois jeunes par une secte d’intégristes chrétiens suite à un traquenard bien vicelard : invités via un site de rencontre à venir gang banger dans une caravane une femme d’âge mur, les trois adolescents se retrouvent finalement prisonniers de la secte d’Abin Cooper (Michael parks), gourou bavard et jamais contre une mise à mort d’homosexuel dans sa paroisse.

Michael Parks ou le catéchisme pour les fanatiques

Au lieu de travailler un peu plus ce canevas de base plutôt adroitement mis en place, Red State se contente finalement de quelques dialogues et sermons bien sentis et bâcle la caractérisation de ses personnages. Tous manquent cruellement de développement et le casting, pourtant doté de quelques pointures (Kyle Gallner, Melissa Leo, John Goodman !!!), reste sous-exploité. Kevin Smith préfère se concentrer sur un retournement à mi-film qui devait sembler ultra-ambitieux sur le papier. Comme un ado qui aurait tout juste découvert le concept de la contestation, le réalisateur ratisse beaucoup trop large niveau dénonciation et finit par perdre un peu le spectateur. Au détour d’une astuce de scénario, le film passe ainsi d’une dénonciation des extrémismes religieux à une critique de l’hypocrisie autour du conflit irakien et du Patriot Act, se transformant alors en véritable film d’assaut. Kevin Smith essaiera de rattraper le spectateur perdu lors d’une ultime séquence servant littéralement de briefing de tout ce qui s’est passé avant, constat criant de l’incapacité du réalisateur à mettre en scène son message.

Le film n’en est pas à une maladresse près, et on peut entre autres noter  – avec un certain mauvais esprit je l’accorde – que même si Kevin Smith dénonce d’un côté l’homophobie clairement affichée de ses extrémistes religieux, le seul homosexuel mis en scène par le réalisateur est un refoulé pathétique, suicidaire, alcoolique et malhonnête. La plus grande déception viendra probablement de l’avant-final et son deus ex machina : un ressort scénaristique plus frustrant qu’autre chose. Kevin Smith aurait pu emmener à ce moment le film dans des contrées autrement plus ambitieuses que ce qui se déroule ensuite à l’écran.

Pour le reste, question réalisation, le film est bien emballé et la mise en scène livre quelques plans bien glaçants. On retrouve aussi le talent – et sa limite, le pendant « film de petit malin » – de Kevin Smith pour les dialogues accrocheurs. Une écriture culminant lors des sermons proférés par le révérend interprété avec force conviction par Michael Parks.

Beaucoup moins scandaleux et choquant qu’annoncé puisque trop rapidement emballé et peu subtil, Red State reste un film agréable à regarder. Une décharge filmique malheureusement presque plus fun que véritablement troublante, qui se voudrait dérangeante mais à l’impact diminué par le manque de cohérence et le trop grand éclatement du propos.

Critique par Alex B

BONUS: quelques autres visuels du film

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