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Survival of the Dead

Affiche du film "Survival of the Dead"

© 2009 Artfire Films − Tous droits réservés.

Six jours après que les morts se soient mis à marcher, une poignée de soldats américains décide de déserter, dans l’espoir de trouver un lieu isolé encore non infesté par les zombies. Ils échouent sur Plum Island, une petite île d’Amérique de Nord déchirée par une guerre sans merci entre deux familles qui se disputent le territoire. Les soldats vont alors apprendre à leurs dépens que l’ennemi n’est pas toujours celui que l’on croit…

George A. Romero adore les zombies, d’abord « parce qu’ils sont très simples et faciles à comprendre » mais aussi et surtout parce qu’ils lui offrent une possibilité quasi-illimitée de mettre en avant les travers du comportement humain. Le réalisateur a beau être un fan de gore, il a toujours revendiqué la dimension sociale de ses films qui lui permettent de s’attaquer à la société américaine qu’il abhorre de manière virulente non dénuée d’un humour grinçant. Après s’en être pris aux rouages d’un système en chute libre (Night Of The Living Dead), à la montée en flèche du consumérisme (Dawn Of The Dead), au militarisme forcené (Day Of The Dead), à la corruption des puissants et à la paranoia post-11 septembre 2001 des Etats-Unis (Land Of The Dead) et enfin aux medias et leur impact dévastateur (Diary Of The Dead) ; le créateur du zombie « mangeur de chair » décide d’aborder dans Survival Of The Dead la thématique de la guerre, très à propos en cette ère tourmentée où les conflits barbares font rage.

Et c’est une guerre totalement absurde qui nous est ici présentée par l’intermédiaire de deux clans rivaux qui n’ont de cesse de se battre depuis toujours. En effet, les deux dernières générations en sont à un tel niveau de bêtise aveugle qu’ils ignorent la nature réelle du différend qui opposa un jour leurs familles respectives mais continuent tout de même à régler leurs comptes par principe ; parce qu’on leur a toujours enseigné la haine de l’autre sans possibilité de remise en cause de ce fait établi. Ils sont tellement obnubilés par leur désir de pouvoir sur l’autre camp qu’ils en oublient leur véritable ennemi : les zombies, qui gagnent de plus en plus de terrain sur leur précieuse île, le fruit de leur discorde insensée. Même si cela n’a pas été confirmé par le cinéaste, il parait néanmoins difficile de ne pas faire le rapprochement avec le conflit Israëlo-Palestinien.

Survival reprend également la question du sort à réserver aux morts-vivants, déjà posée dans Dawn et Day. Ainsi, les protagonistes ne savent quelle position adopter face à ce véritable cataclysme humain : en effet, comment considérer ces êtres qui errent quelque part entre la vie et la mort ? Faut-il les exterminer jusqu’au dernier, même s’il s’agit de sa famille ou de ses amis ? N’est-il pas possible de conserver les morts auprès de soi en les domestiquant ? Et quelle serait la volonté de Dieu ? Une fois de plus, Romero met l’accent sur l’éternel clivage entre ceux qui agissent sous la peur du Jugement Dernier, persuadés qu’ils subiront le châtiment divin s’ils commettent l’Irréparable, ceux qui ne peuvent se résoudre à admettre que les zombies qui menacent de les dévorer vivants ne sont définitivement plus des leurs ; et enfin ceux qui décident que la meilleure solution consiste à tirer une balle dans la tête de tout ce qui bouge. La représentation de la folie guerrière de ce microcosme en autarcie (les habitants à la limite de la consanguinité de Plum Island) permet à Romero de dénoncer le communautarisme autodestructeur de sociétés en proie à la panique et au chaos. Par ailleurs, le réalisateur de Martin prend le parti de s’adresser directement à notre conscience éthique sans ménagement aucun par le biais d’images choquantes mettant en scène des chasseurs dont le jeu pour le moins morbide consiste à décapiter des zombies et à les maintenir en « vie » la tête plantée sur des piquets. Cette cruauté intrinsèquement humaine avait déjà été abordée à la fin de Night et Diary, et nous pousse à revoir notre propre perception de la monstruosité. Ce refus d’une vision manichéenne considérant les zombies comme mauvais et les vivants comme bons entre en corrélation avec la complexité morale et la représentation d’une dualité universelle que l’on peut retrouver dans tous les films de Romero.

Après avoir explicité les différents thèmes exploités dans ce sixième long-métrage de la saga des morts-vivants initiée en 1968 avec Night Of The Living Dead, il semblerait bien que l’Oncle George tourne en rond, et peut-être même s’essouffle… Eh bien non, fort heureusement, ce n’est pas le cas ! S’il semble en apparence avoir fait le tour de son sujet zombiesque, le grand talent de Romero est de parvenir à chaque film à se renouveler avec maestria. Survival prend ainsi des allures de western moderne, avec cowboys débiles à la gâchette facile et zombies à cheval à la clé. Si cette nouvelle forme peut surprendre et peut-être même en déstabiliser certains au départ, la mise en scène est tellement réussie que l’on se laisse prendre au jeu en deux temps-trois mouvements. Le travail de la photographie et de la couleur, superbes, ainsi que l’impeccable direction des acteurs confèrent au film une telle unité esthétique et narrative qu’il est presque impossible de ne pas être positivement réceptif à ce Survival. Seule la bande-son semble carrément à côté de la plaque, avec ses faux-airs de ressemblance avec le dessin-animé des Contes de la Crypte qui désamorcent complètement l’impact des scènes horrifiques en donnant parfois la sensation que tout se joue sur un ton de dérision totalement inapproprié au fond grave et sérieux du film. Ce fait est quant à lui assez dérangeant, car l’on a sans cesse l’impression d’une discordance essentielle entre le son et l’image, une disharmonie rythmique qui vient semer le trouble dans notre appréhension de l’œuvre. Par ailleurs, il est à noter que le film comporte nettement moins d’action que les précédents opus, avec quelques scènes de parlotte qui risquent d’en ennuyer certains, mais sans toutefois que cela nuise à son savant équilibre.

L’élément le plus efficace de Survival reste certainement l’ingéniosité de ses mises à mort de zombies, absolument jouissives pour le spectateur averti. Après le foutage de gueule complet de Resident Evil Afterlife : 3D, on a enfin l’occasion d’assister à du vrai dégommage de zombies, bien fun, bien gore, et surtout bien réalisé ! Malgré le manque de budget évident du film (la plupart des effets spéciaux sont réalisés en CGI pas toujours très réussis mais plus que corrects dans l’ensemble) les exterminations massives de morts-vivants sont toutes posées avec beaucoup d’humour et d’inventivité (mention spéciale à l’éviscération par le dos). Ainsi, Romero innove son propre style en nous proposant la pêche aux zombies (si si, je vous assure !), le zombie lumineux (essayez un peu de tirer une fusée de détresse sur un cadavre pourrissant… effet garanti), le zombie mangeur de chapeaux (ben ouais, il avait trop la dalle)… Autant de détails (qui pour le fan de films de zombies n’en sont pas vraiment au final) qui confèrent à Survival cette ambiance particulière qui fait tout le génie de la filmographie Romerienne.

Survival Of The Dead se montre donc à la hauteur des autres volets de la saga des morts-vivants et parvient à assurer la cohésion de l’œuvre de toute une vie tout en se renouvelant sans cesse grâce à la créativité et à l’esthétique soignée dont il fait preuve. George A. Romero nous démontre encore une fois que s’il file la même métaphore depuis plus de quarante ans, il a encore et toujours des choses à dire…

Par Emmanuelle Ignacchiti

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