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The Girl Next Door

Affiche du film "The Girl Next Door"

© 2007 Modernciné − Tous droits réservés.

Dans une petite banlieue paisible des années 50, Meg et Susan, deux sœurs récemment rescapées d’un terrible accident qui coûta la vie à leurs parents, sont accueillies chez leur tante Ruth. Mentalement instable, celle-ci va transformer leur vie en véritable enfer…

On le sait depuis l’adaptation cinématographique de son roman The Lost par Chris Sivertson en 2008, Jack Ketchum est un maître dans l’art de distiller l’horreur la plus inconcevable qui soit au sein d’évènements banals du quotidien. En cela, l’on pourrait effectivement le comparer à un Stephen King. Mais la comparaison s’arrête là, car là où King introduit brutalement des éléments fantastiques au sein de son histoire, Ketchum préfère montrer l’abomination d’une réalité crue, qui terrifie de par la possibilité même de son existence. Tiré de l’histoire vraie de Sylvia Likens, jeune fille de seize ans séquestrée et torturée jusqu’à ce que mort s’ensuive par une femme et des enfants du voisinage, The Girl Next Door est une expérience traumatisante de la cruauté humaine et son absence de limites dans un contexte où toutes les transgressions sont permises.

Le film nous parle avant tout d’une destruction totale de l’innocence. Meg Loughlin, jeune fille douce et virginale devenue orpheline, est livrée pieds et poings liés à la folie meurtrière de sa tante Ruth, cinquantenaire frustrée et complètement tordue qui élève seule ses enfants à coups de bières et d’explications vaseuses sur la sexualité. La maltraitance quotidienne que subissent Meg et sa jeune sœur Susan va alors progressivement empirer jusqu’à leur faire connaitre l’essence même de la véritable douleur. Bien plus percutant que n’importe quel film gore, le film touche à des sujets si sensibles qu’il suscite en tout spectateur un large panel d’émotions viscérales plus douloureuses les unes que les autres. Aux brimades incessantes que Ruth inflige à Meg au début du film va alors se succéder une explosion de violence physique et morale intolérable qui dépassent les limites de notre imagination. Attouchements, humiliations, tortures, viol, The Girl Next Door explore l’ensemble des sévices les plus ignobles que nous redoutons tous avec un réalisme qui nous fait l’effet d’un crochet du gauche en pleine poitrine.

L’ambiance oppressante du film va crescendo, faisant peu à peu monter la tension jusqu’à rendre le visionnage du film quasiment insupportable tellement ce qui nous est donné à voir est répugnant en soi. Le formidable sentiment d’empathie qui s’est crée comme par magie dès la première apparition de Meg à l’écran a ainsi produit un lien tacite entre le spectateur et cette jeune fille victime d’une haine destructrice qu’elle n’a pas méritée ; de fait, l’on ne peut qu’être bouleversé au plus profond de notre être face aux supplices inhumains que celle-ci doit endurer pendant plus de la moitié du film. Et il faut admettre que c’est véritablement éprouvant, l’on ressort de The Girl Next Door plus déprimé que jamais, absolument dégoûté du comportement humain et surtout de celui des enfants. L’excellente interprétation des personnages principaux (mention spéciale à Blanche Baker, dont la perversité suscite en nous l’envie incontrôlable de la trucider sans sommation) et la qualité d’une mise en scène sans faille réussissent à nous faire complètement adhérer à cette sordide histoire qui semble se dérouler en direct sous nos yeux horrifiés.

Le film s’appuie principalement sur la suggestion (d’où l’absence d’interdiction) qui demeure bien plus efficace que tous les effets spéciaux du monde. Les scènes de torture nous prennent aux tripes et nous poignardent en plein cœur par l’intermédiaire d’émotions entremêlées aussi contradictoires que liées entre elles, telles que la colère, la pitié, la tristesse ou encore la révolte. Par ailleurs, le personnage de David s’avère être une sorte de double du spectateur qui reflète sa propre impuissance à faire cesser le calvaire de Meg : du début à la fin du film, celui-ci ne trouvera aucune solution, si ce n’est assister passivement à l’expression de la brutalité sauvage de ses comparses avec la volonté de peut-être parvenir à sauver son amie. Il en est de même pour nous qui sommes effectivement contraints de voir l’évolution de cette atroce situation jusqu’au bout, à la fois incapables de la regarder en face mais aussi d’en détourner les yeux. Position très délicate que celle-ci, d’autant plus que la gentillesse de Meg développée dans la première partie du film crée un fort contraste avec le châtiment illégitime qu’on lui fait subir sans raison aucune, renforçant le sentiment qu’une profonde injustice est en train de s’opérer sans que l’on ait le pouvoir d’y changer quoi que ce soit.

Le comportement des enfants, subitement contaminés par le délire de Ruth, reste incompréhensible pour tout spectateur un tant soit peu équilibré qui se posera longtemps la question de savoir comment ils ont pu en arriver à commettre des actes d’une telle barbarie. De même, l’on ne peut que frissonner d’aberration à la seule pensée que de jeunes enfants (Meg et sa petite sœur) vont être confrontés à une terrible sanction punitive à caractère sexuel pour des agissements qu’aucune d’entre elles n’auraient pu commettre (Meg est accusée par Ruth d’être “une trainée”). Blessée au plus profond de sa chair pour avoir eu le malheur de servir de projection à tous les vices d’une femme malsaine et mentalement déséquilibrée, Meg va alors apprendre à ses dépens qu’être une femme au sein de la demeure de sa tante tient plus d’une malédiction que du simple fruit du hasard.

The Girl Next Door est donc une œuvre effroyablement tragique ayant pour thème principal la fin effective d’une période de pureté et d’insouciance infantile par des moyens extrêmes et d’une épouvantable cruauté. Dérangeant au possible, ce film ne laissera personne indifférent, notamment grâce à son final d’une extraordinaire puissance dramatique qui, telle une marque indélébile au fer rouge, restera longtemps gravé dans les mémoires. Ames sensibles s’abstenir et, pour les plus endurcis, préparez-vous quand même à sortir vos mouchoirs…

Par Emmanuelle Ignacchiti

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