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The Thing

Affiche du film "The Thing"

© 1982 Universal Pictures − Tous droits réservés.

Autant le dire tout de suite : The Thing fait partie de ces chefs-d’œuvre intemporels dont on peine à retrouver l’essence dans les productions horrifiques de nos jours. Grâce à un scénario implacable bénéficiant d’une interprétation plus que parfaite et des effets-spéciaux toujours aussi impressionnants, le film de John Carpenter (Halloween ; L’Antre De La Folie ; Le Village Des Damnés), adaptation cinématographique la plus fidèle de la nouvelle de science-fiction Who Goes There ? de John W. Campbell, s’inscrit parmi les films d’épouvante les plus marquants de l’histoire du cinéma.

Et force est de constater dès les toutes premières minutes de la séquence d’ouverture que son statut d’œuvre culte n’est pas usurpé : par l’intermédiaire de procédés stylistiques parfaitement maîtrisés par le génie Carpenter, la tension ne tarde pas à s’immiscer dans le cœur du spectateur pour ne plus le lâcher jusqu’à l’apothéose finale. Pas à pas, nous progressons au cœur d’un scénario sans faille auréolé d’un épais voile de mystère qui distille ses indices avec parcimonie jusqu’à nous donner enfin accès à l’incroyable vérité. Car c’est un fait, l’histoire de The Thing, en plus d’être vraiment originale et remarquablement bien aboutie, réunit tous les meilleurs ingrédients nécessaires à la production d’un vrai film d’horreur qui fait PEUR : une créature extraterrestre aux pouvoirs métamorphiques terrifiants ; une pandémie mortelle qui sème la panique au sein d’un petit groupe de chercheurs américains voué à l’isolement le plus total et ne disposant donc d’aucune sorte d’aide extérieure ; des flots de sang décomplexés ; de la barbaque mutilée en mutation… The Thing est un vrai régal pour les yeux et réussit l’exploit fabuleux de n’avoir pas pris une seule ride en presque trente ans.

Le moteur principal de The Thing réside dans son ambiance en huis-clos au sein de laquelle des phénomènes dépassant les limites de l’entendement vont produire un chaos total dans une microsociété jusqu’alors parfaitement ordonnée. Dès l’arrivée de « La Chose », la paranoïa s’installe pernicieusement au sein de ce groupe complètement fermé sur lui-même : plus personne ne fait confiance à qui que ce soit, ce qui permet à l’histoire de nous manipuler à sa guise en rendant impossible toute certitude concernant les membres de l’équipe. Impuissants, nous ne pouvons que spéculer laborieusement pour tenter de deviner dans quel corps se cache la fourbe créature, mais c’est peine perdue car le film réussit toujours à nous surprendre agréablement là où l’on s’y attend le moins. Le suspense reste définitivement l’atout majeur du film qui se plait à brouiller les pistes pour nous plonger dans la même confusion que les personnages. Outre le fait que le fonctionnement de cette forme de vie inconnue soit redoutablement bien pensé, The Thing reste un film magistral notamment grâce à ses effets spéciaux d’excellente facture propices à susciter un authentique effroi.

En effet, les multiples formes qu’adopte « La Chose » lorsqu’elle entre en mutation sont véritablement monstrueuses, précisément parce qu’elles résistent à toute tentative de détermination par la raison : ne pouvant être logiquement catégorisées en figures connues et intégrées comme telles, ces métamorphoses prennent alors des allures réellement terrifiantes pour le spectateur qui se trouve dans l’incapacité totale de rattacher ce qu’il a devant les yeux à son expérience personnelle. Les processus d’assimilation de ses victimes par La Chose sont représentés avec une habileté hallucinante : l’esthétique du « difforme » – voire de l’«informe » – vue par Carpenter est rendue de manière incroyablement ingénieuse et reste unique en son genre, toutes époques confondues. Des membres anormalement nombreux qui se démultiplient anarchiquement comme des bourgeons malades ; des parties de visages à moitié absorbés émergeant ça et là de cet amas de chair décomposée ; des tentacules gluantes et gesticulantes ; des pattes d’araignées velues et démesurément longues ; des crocs gigantesques, etc. ; tout ce qui compose le corps monstrueux de La Chose va à l’encontre des lois de la nature pour produire un véritable choc visuel chez le spectateur.

Le traitement du son est également pensé de manière à renforcer ce sentiment d’inquiétante étrangeté qui caractérise le film : le thème musical tend à se fondre aux bruitages en un amalgame à la fois entraînant et angoissant, sans parler des sons inintelligibles qu’émet La Chose, aussi fascinants qu’effrayants. Par ailleurs, les réactions des différents personnages contribuent à instaurer un climat de pure panique échappant à toute tentative de contrôle raisonné : terreur, colère, folie, suspicion et désespoir s’entremêlent avec beaucoup de crédibilité grâce à l’interprétation très juste des acteurs. Kurt Russell (New York 1997 ; Los Angeles 2013 ; Boulevard De La Mort) incarne à la perfection le héros viril au sang froid, le leader impavide et réfléchi qui constitue peut-être la seule véritable issue salvatrice de ce groupe d’hommes sombrant peu à peu dans une paranoïa dangereusement contagieuse. Pour venir à bout de La Chose, ceux-ci devront redoubler de méfiance et d’ingéniosité (la scène du test sanguin, particulièrement intéressante) et lutter contre leur peur viscérale pour ne pas basculer dans la démence. Cette lutte à mort contre la créature extraterrestre monte progressivement en intensité jusqu’au dénouement final qui offre des perspectives bien peu optimistes et soulève plus d’interrogations qu’il n’en résout.

The Thing est donc à considérer comme l’un des meilleurs films – sinon LE meilleur film – d’horreur sur le thème du métamorphisme, dont le suspense éprouvant et le traitement esthétique particulièrement astucieux de l’aspect physique de La Chose assurent la pérennité à travers les âges. Incroyablement captivant et tout aussi fascinant qu’effrayant, le film de John Carpenter reste un classique du genre à ne manquer sous aucun prétexte.

Par Emmanuelle Ignacchiti

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