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( Propriété Interdite ) Entretien avec la réalisatrice Hélène Angel

Quel est le point de départ de Propriété interdite ?

L’envie de travailler sur la peur, les cauchemars, qui étaient déjà le moteur de mes films précédents, Peau d’homme, cœur de bête et Rencontre avec le dragon. J’avais envie d’un film de série B, un film de genre, tourné rapidement. Le cinéma fantastique ou d’horreur travaille nos pulsions, il m’a toujours intéressée. La contrainte économique – inhérente à ce genre de films – était excitante à intégrer dès l’écriture : décor quasi unique, nombre limité de personnages. J’avais aussi envie, pour la première fois, d’une femme comme personnage principal. La folie des femmes est en soi un sous-genre du cinéma d’horreur, de Hantise à Répulsion. S’il y a un point commun entre Peau d’homme… et Propriété interdite, c’est, bien sûr, que l’état sauvage n’est jamais loin. Mais c’est aussi que, dans les deux films, la figure féminine est celle qui encaisse la violence du monde et porte la colère.
Comment s’est déroulée l’écriture ?
Avec mes co-scénaristes, on tenait à respecter les codes du genre, et un couple qui débarque dans une maison isolée, c’est un peu la base ! Après la famille, le couple est quand même le lieu des névroses par excellence, ça nous amusait d’écrire un film d’horreur sur le couple ! Quelle est la nature de la menace qui hante cette maison, et va faire exploser ce couple ? Le fantôme du frère de Claire ? en tout état de cause il est là, l’héroïne n’a pas pu faire son deuil… Y a-t-il une explication plus rationnelle ?…
A l’écriture, au montage avec Yann dedet, on s’est posé sans cesse la question des fausses pistes, des codes narratifs du suspense. il a bien fallu réviser notre Hitchcock : à quel moment le spectateur doit-il être en avance sur le personnage, donc s’inquiéter pour lui ou jubiler de son malheur ? Quand doit-il en savoir autant que lui ? C’est passionnant, on touche au fondement même du cinéma : le doute et la croyance.
Quelles sont les réponses ?
Pour faire fonctionner le suspense il faut aussi troubler le spectateur, dans l’idéal le faire s’interroger sur la complexité humaine ! Par exemple, quand Benoît découvre le trou, pourquoi n’en parle-t-il pas à Claire ? A-t-il un motif secret ? ou est-ce une découverte si effrayante qu’il craint d’en parler à sa femme, pour ne pas la fragiliser davantage ? A moins que ce trou ne le terrorise, lui, encore plus ? en tous cas Benoît ment, et je crois que nous jubilons de ce mensonge car alors nous en savons plus que Claire, nous nous demandons comment elle réagira quand elle le découvrira. et nous nous doutons bien que ce mensonge est le début de la fin du couple.

Comment définir ce couple ? Et pourquoi ces comédiens ?

Berling « assure » comme on dit, il est beau, carré, urbain. Bonneton paraît plus fragile. Même dans la comédie, où elle excelle, c’est son côté lunaire et décalé qui nous touche. En tant qu’acteur, Charles aime « fabriquer », composer, alors que Valérie est plus  émotive… ça m’a plu, c’est vraiment le couple ! On pense d’abord qu’il la protège, on  peut ensuite avoir l’impression qu’il la manipule… qu’il ment pour la rendre folle…  en fait Benoît n’a pas de grand projet machiavélique, son attitude n’est pas réfléchie. Il pense juste qu’en masquant le trou avec des branches, des planches, ça suffit à stopper le mal. Mais le trou est toujours là !… Je crois qu’il aime sa femme. C’est un couple sans enfant, sans tiers, et comme souvent dans ces couples, l’un devient l’enfant de l’autre. Ce qui fait une névrose de couple au carré : chacun maintient l’autre dans le  rôle qui l’arrange.

Aviez-vous un principe de mise en scène ?

Une façon de filmer la maison qui suggère qu’elle est observée et pareil pour le couple : quand l’un est filmé, on sent toujours qu’il est vu par l’autre. Même quand l’autre n’est  pas là, comme dans la scène de boulimie de Claire. C’est un truc classique de la peur  et qui convient bien à l’idée du couple, où on ne cesse de s’épier, sans réellement réussir  à savoir qui est l’autre. Je crois que c’est flagrant dans la séquence où Benoît revient  pour la seconde fois. Claire a caché l’étranger dans la cave, Benoît éteint la musique,  le couple s’observe mutuellement dans la cuisine, chacun soupçonnant les mensonges  de l’autre.

Comment s’est fabriqué le décor ?

Il fallait faire s’incarner Michel dans la maison, la salir, laisser les traces d’une folie… Michel s’est reclus longtemps. Katia Wyszkop a traité la maison par étages, comme la  psyché : en haut la moquette, avec ses motifs géométriques, hypnotiques à la Vasarely, comme un état mental obsessionnel, qui veut tout maîtriser. en dessous, l’organique  – salon, cuisine – et puis la cave… Le trou a été fait en studio : les acteurs n’auraient  pas accepté de ramper dans un vrai trou menaçant de s’écrouler à chaque instant. J’aurais aimé pouvoir le filmer en coupe franche, comme dans Fantastic Mister Fox, mais il aurait fallu plus de recul et le budget ne nous le permettait pas !

Est-ce qu’il possède une dimension comique ?

Absolument. J’aime bien passer de la peur au rire, j’aime bien le grotesque : un portable  qui sonne au fond d’un trou, un personnage qui, dans cette situation cauchemardesque,  regrette de ne pouvoir accéder à ses mails, ça m’amuse ! on suppose que Benoît est  trader ou quelque chose d’approchant. C’est le seul du couple à travailler, à être soidisant en lien avec la société, mais il fait un métier virtuel, grotesque, qui n’a pas de  sens.

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