Les Révoltés de l'an 2000

Les Révoltés de l'an 2000 (1976)

  • Titre original: ¿Quién puede matar a un niño?
  • 1 h 38 min | Horreur, Mystère, Thriller | 26 avril 1976
    Note
    10/10
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    Un couple de touristes anglais arrive sur une île espagnole. Bientôt, ils se rendent compte que les enfants règnent en maîtres sur l'île et qu'ils assassinent tous les adultes.

    Tiré du roman El juego de los niños de Juan José Plans, Les Révoltés de l’An 2000, seul et unique long-métrage de Narciso Ibanez Serrador, est un chef-d’œuvre classique du genre horrifique des années 70. Hommage avoué envers le grand Alfred Hitchcock, le film, jugé trop violent par la censure de l’époque, écopa de nombreuses polémiques à sa sortie, dont une interdiction sur les territoires finlandais et islandais. Et pour cause : mettre en scène des enfants ensorcelés par une force maléfique inconnue qui commettent des meurtres d’une barbarie inouïe était un risque qu’il fallait oser prendre. Et, au final, le film s’inscrit parmi les meilleurs films d’épouvante du siècle dernier.

    En effet, comme l’indique son titre original, ¿Quién puede matar a un niño? (“qui peut tuer un enfant?”), le film s’appuie sur un paradoxe cornélien qui place l’éthique du spectateur en position délicate : qui serait capable de tuer un enfant ? Même s’ils se transforment en monstres sanguinaires dénués de scrupules, il parait difficile de porter la main sur ces visages angéliques et faussement innocents. C’est cette conscience bienveillante instaurée depuis des siècles dans l’histoire de l’humanité qui causa la perte de la plupart des adultes de l’île d’Almandora. Car, s’ils demeurent en apparence des enfants, ce ne sont plus que des corps sans âmes guidés par une volonté vengeresse qui les dépassent complètement, la matérialisation d’une haine vieille de plusieurs siècles qui réclame le sang des adultes pour toutes les atrocités qui ont été commises sur les enfants durant leurs guerres égoïstes et insensées.
    C’est effectivement là le sujet que veut aborder Les révoltés de l’An 2000. Sa séquence d’ouverture donne immédiatement le ton, mettant en scène des images d’archives qui illustrent les différentes guerres et famines qui ont frappé le Vietnam, le Nigeria ou encore la Corée avec à chaque fois la preuve tangible que les premières victimes étaient des enfants, martyrs de la folie des adultes, enrôlés de force dans des conflits impitoyables auxquels ils ne comprenaient rien. Il semble impossible de ne pas frissonner d’horreur devant la cruauté de ces images authentiques ; ces corps d’enfants mutilés, décharnés, dévorés par la maladie et le manque d’hygiène nous rappellent que la nature humaine, hélas, a bien plus souvent été  capable du pire que du meilleur.

    Outre sa douloureuse séquence d’ouverture, Les Révoltés de l’An 2000 doit son immense succès critique en grande partie à sa mise en scène impeccablement élaborée qui parvient à produire une ambiance inquiétante et malsaine, presque claustrophobique. Le film réussit à rendre les enfants particulièrement terrifiants : étrangement silencieux, le visage crispé par leur aversion des adultes, ils opèrent en bande et commettent des crimes d’une rare violence dans une euphorie générale de rires et de cris stridents. En effet, quoi de plus angoissant que le rire d’un enfant fou ? La cruauté infantile, qui est une conception bien ancrée dans l’inconscient collectif, vient se heurter à celle de l’innocence que l’on attribue généralement aux enfants; c’est la raison pour laquelle elle demeure si propice à susciter la peur. Tom et Evelyn, les deux protagonistes principaux, sont pris au piège sur cette île maudite et n’ont aucune chance d’en réchapper vivants : à chaque coin de rue, derrière chaque porte et chaque fenêtre se cache un enfant prêt à assouvir sa soif de vengeance. Par ailleurs, la scène où Tom ouvre le feu sur des dizaines d’enfants qui lui barrent la route reste particulièrement audacieuse pour l’époque, d’autant plus que la caméra s’attarde à détailler des visages souriants et des regards lumineux d’insouciance juvénile qui sont en réalité autant de subterfuges pour masquer l’abomination qui les habite. L’hésitation de Tom illustre tout à fait le propos difficile tenu par le film qui reste d’ailleurs toujours autant d’actualité : comment réagir face à un enfant capable de commettre les pires horreurs qui révulsent même un adulte ? La réponse proposée lors de la séquence finale reste ambigüe, car le geste de Tom ne restera pas impuni. Peut-être Narciso Ibanez Serrador veut-il nous dire que certaines mesures pouvant parfois s’avérer nécessaires sont de toute manière proscrites par le contexte social ?

    Revoltesan2000

    Quoi qu’il en soit, Les Révoltés de l’An 2000, loin d’épargner le spectateur en lui proposant une morale édulcorée, vient contrecarrer les idéologies conformistes de son siècle tout en signant une véritable œuvre d’anthologie dans le cinéma horrifique espagnol qui restera à jamais considérée comme LA référence en matière de films mettant en scène la face obscure des enfants.

    Par Emmanuelle Ignacchiti

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    1. Revoir cette photo en noir et blanc dans cet article me rappelle la putasserie de cette séquence d’ouverture. Lourdingue et facile…

    2. Emmanuelle Ignacchiti

      @ Alex : La “putasserie” lol ! Je comprends parfaitement ton point de vue mais pour ma part, je n’ai pas du tout ressenti la chose de cette manière. En contextualisant le film (même si le contexte n’est pas une excuse ni même une justification mais peut néanmoins permettre de donner une bribe d’explication) je trouve qu’au contraire cela n’avait rien de “facile” que d’insérer une séquence d’ouverture pareille dans un film de ce genre. Narciso Ibanez Serrador a dû prendre un énorme risque pour cela : il risquait la censure voire l’interdiction totale (ce qui s’est effectivement produit) ou, tout simplement, il restait la possibilité que son public, outré par la virulence de ces images, arrête tout bonnement le film à son introduction (ou quitte la salle de ciné à la sortie du film) et s’en fasse définitivement une mauvaise opinion. Donc, au vu de ces éléments, je ne pense pas que le réalisateur ait choisi de faire une telle séquence d’ouverture juste par facilité. Il a dû vouloir transmettre un message, toucher les gens avec des images-choc que le public de l’époque avait peut-être tendance à oblitérer. Après, on peut trouver que c’est peut-être fait de manière un peu lourdingue (surtout à l’heure d’aujourd’hui, où les médias nous gavent d’images de ce genre pour faire pleurer dans les chaumières en jouant sur le pathos et ainsi poursuivre leur politique de la terreur), mais cela reste une question de goût. Qu’en penses-tu?

    3. Perso, je trouve ça juste un peu bas de gamme niveau artistique d’exploiter la misère pour rajouter un peu “d’effet choc” dans un film de genre. Mais à part ça, j’ai vraiment apprécié le reste du film…

    4. Emmanuelle Ignacchiti

      C’était peut-être aussi et surtout un bon moyen de permettre au public de voir des images dont il n’avait pas forcément pu prendre connaissance. Comme je le disais dans mon commentaire précédent, les médias de l’époque n’était pas encore dans cette logique de matraquage permanent et il ne faut pas oublier non plus que le territoire espagnol était encore sous l’emprise dictatoriale de Franco lorsque le film a été réalisé (1975). L’accès aux informations étaient donc dûement contrôlé afin que la population espagnole demeure dans l’ignorance passive. Je pense que le parti pris d’ouvrir son film sur cette séquence d’images d’archives choquantes (certes un peu trop longue, je l’admets volontiers) a été, en fin de compte, une bonne initiative dont le but était plus de délivrer un message (aussi dur soit-il à admettre)que d’exploiter la misère comme tu dis. Enfin, cela ne reste que mon avis personnel, et le film ne fait pas du tout partie de mes préférés du cinéma espagnol ou même du cinéma tout court, mais je pense tout de même qu’il mérite d’être défendu de côté-là 🙂

    5. Tout comme Alexandre, à peine 2 minutes de films et j’ai failli l’arrêter net. J’ai trouvé ça nase, et surtout que ça plombe le film en fait. Car j’ai laissé tourné et à la fin je me suis dit que c’était vraiment bien et qu’il aurait été bien plus puissant si ces 7 minutes à la con étaient enlevées. Elles enlèvent le côté fantastique et mystérieux avec une tentative d’explication merdique dès le départ de ce qui va suivre. Avis personnel bien évidemment :o)

    6. Film culte ibèrique, les révoltés de l’an 2000 distille un malaise tout le long du film. Un couple d’adulte essayera de rester vivant face à la menace des enfants. Voir le générique du debut qui spoilie un peu le film :note : 4/5

    7. J’ai bien aimé cette ambiance ! Un très bon film, on en fait plus des comme ça !

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